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HORACE &... HUGO

— Victor Hugo (1802-1885) — (voir notice "Académie française")

 

À propos d'Horace

Les contemplations
Livre premier. Aurore
 
XIII.
 
Marchands de grec ! marchands de latin ! cuistres ! dogues !
Philistins ! magisters ! je vous hais, pédagogues !
Car, dans votre aplomb grave, infaillible, hébété,
Vous niez l'idéal, la grâce et la beauté!
Car vos textes, vos lois, vos règles sont fossiles !
Car, avec l'air profond, vous êtes imbéciles !
Car vous enseignez tout, et vous ignorez tout !
Car vous êtes mauvais et méchants! - Mon sang bout
Rien qu'à songer au temps où, rêveuse bourrique,
Grand diable de seize ans, j'étais en rhétorique !
Que d'ennuis ! de fureurs! de bêtises ! - gredins ! -
Que de froids châtiments et que de chocs soudains !
"Dimanche en retenue et cinq cents vers d'Horace !"
Je regardais le monstre aux ongles noirs de crasse,
Et je balbutiais: "Monsieur... - Pas de raisons !
"Vingt fois l'ode à Plancus et l'épître aux Pisons !"
Or, j'avais justement, ce jour-là, - douce idée
Qui me faisait rêver d'Armide et d'Haydée, -
Un rendez-vous avec la fille du portier.
Grand Dieu ! perdre un tel jour ! le perdre tout entier !
Je devais, en parlant d'amour, extase pure !
En l'enivrant avec le ciel et la nature,
La mener, si le temps n'était pas trop mauvais,
Manger de la galette aux buttes Saint-Gervais !
Rêve heureux ! je voyais, dans ma colère bleue,
Tout cet Eden, congé, les lilas, la banlieue
Et j'entendais, parmi le thym et le muguet,
Les vagues violons de la mère Saguet !
O douleur ! furieux, je montais à ma chambre,
Fournaise au mois de juin, et glacière en décembre;
Et, là, je m'écriais:
          - Horace! ô bon garçon !
Qui vivais dans le calme et selon la raison,
Et qui t'allais poser, dans ta sagesse franche,
Sur tout, comme l'oiseau se pose sur la branche,
Sans peser, sans rester, ne demandant aux dieux
Que le temps de chanter ton chant libre et joyeux !
Tu marchais, écoutant le soir, sous les charmilles,
Les rires étouffés des folles jeunes filles,
Les doux chuchotements dans l'angle obscur du bois ;
Tu courtisais ta belle esclave quelquefois,
Myrtale aux blonds cheveux, qui s'irrite et se cabre
Comme la mer creusant les golfes de Calabre,
Ou bien tu t'accoudais à table, buvant sec
Ton vin que tu mettais toi-même en un pot grec.
Pégase te soufflait des vers de sa narine ;
Tu songeais; tu faisais des odes à Barine,
A Mécène, à Virgile, à ton champ de Tibur,
A Chloë, qui passait le long de ton vieux mur,
Portant sur son beau front l'amphore délicate.
La nuit, lorsque Phoebé devient la sombre Hécate,
Les halliers s'emplissaient pour toi de visions ;
Tu voyais des lueurs, des formes, des rayons,
Cerbère se frotter, la queue entre les jambes,
A Bacchus, dieu des vins et père des ïambes;
Silène digérer dans sa grotte, pensif ;
Et se glisser dans l'ombre, et s'enivrer, lascif,
Aux blanches nudités des nymphes peu vêtues,
Le faune aux pieds de chèvre, aux oreilles pointues !
Horace, quand grisé d'un petit vin sabin,
Tu surprenais Glycère ou Lycoris au bain,
Qui t'eût dit, ô Flaccus! quand tu peignais à Rome
Les jeunes chevaliers courant dans l'hippodrome,
Comme Molière a peint en France les marquis,
Que tu faisais ces vers charmants, profonds, exquis,
Pour servir, dans le siècle odieux où nous sommes,
D'instruments de torture à d'horribles bonshommes,
Mal peignés, mal vêtus, qui mâchent, lourds pédants,
Comme un singe une fleur, ton nom entre leurs dents !
Grimauds hideux qui n'ont, tant leur tête est vidée,
Jamais eu de maîtresse et jamais eu d'idée!
Puis j'ajoutais, farouche:
          - O cancres ! qui mettez
Une soutane aux dieux de l'éther irrités,
Un béguin à Diane, et qui de vos tricornes
Coiffez sinistrement les olympiens mornes,
Eunuques, tourmenteurs, crétins, soyez maudits !
Car vous êtes les vieux, les noirs, les engourdis,
Car vous êtes l'hiver; car vous êtes, ô cruches !
L'ours qui va dans les bois cherchant un arbre à ruches,
L'ombre, le plomb, la mort, la tombe, le néant !
Nul ne vit près de vous dressé sur son séant ;
Et vous pétrifiez d'une haleine sordide
Le jeune homme naïf, étincelant, splendide ;
Et vous vous approchez de l'aurore, endormeurs !
A Pindare serein plein d'épiques rumeurs,
A Sophocle, à Térence, à Plaute, à l'ambroisie,
O traîtres, vous mêlez l'antique hypocrisie,
Vos ténèbres, vos moeurs, vos jougs, vos exeats,
Et l'assoupissement des noirs couvents béats ;
Vos coups d'ongle rayant tous les sublimes livres,
Vos préjugés qui font vos yeux de brouillard ivres,
L'horreur de l'avenir, la haine du progrès ;
Et vous faites, sans peur, sans pitié, sans regrets,
A la jeunesse, aux coeurs vierges, à l'espérance,
Boire dans votre nuit ce vieil opium rance !
O fermoirs de la bible humaine! sacristains
De l'art, de la science, et des maîtres lointains,
Et de la vérité que l'homme aux cieux épèle,
Vous changez ce grand temple en petite chapelle !
Guichetiers de l'esprit, faquins dont le goût sûr
Mène en laisse le beau; porte-clefs de l'azur,
Vous prenez Théocrite, Eschyle aux sacrés voiles,
Tibulle plein d'amour, Virgile plein d'étoiles ;
Vous faites de l'enfer avec ces paradis !
Et, ma rage croissant, je reprenais :
          - Maudits,
Ces monastères sourds! bouges! prisons haïes !
Oh ! comme on fit jadis au pédant de Veïes,
Culotte bas, vieux tigre! Ecoliers! écoliers !
Accourez par essaims, par bandes, par milliers,
Du gamin de Paris au graeculus de Rome,
Et coupez du bois vert, et fouaillez-moi cet homme !
Jeunes bouches, mordez le metteur de bâillons !
Le mannequin sur qui l'on drape des haillons
A tout autant d'esprit que ce cuistre en son antre,
Et tout autant de coeur; et l'un a dans le ventre
Du latin et du grec comme l'autre a du foin.
Ah! je prends Phyllodoce et Xanthis à témoin
Que je suis amoureux de leurs claires tuniques ;
Mais je hais l'affreux tas des vils pédants iniques !
Confier un enfant, je vous demande un peu,
A tous ces êtres noirs! autant mettre, morbleu !
La mouche en pension chez une tarentule !
Ces moines, expliquer Platon, lire Catulle,
Tacite racontant le grand Agricola,
Lucrèce! eux, déchiffrer Homère, ces gens-là !
Ces diacres! ces bedeaux dont le groin renifle !
Crânes d'où sort la nuit, pattes d'où sort la gifle,
Vieux dadais à l'air rogue, au sourcil triomphant,
Qui ne savent pas même épeler un enfant !
Ils ignorent comment l'âme naît et veut croître.
Cela vous a Laharpe et Nonotte pour cloître !
Ils en sont à l'A, B, C, D, du coeur humain ;
Ils sont l'horrible Hier qui veut tuer Demain ;
Ils offrent à l'aiglon leurs règles d'écrevisses.
Et puis ces noirs tessons ont une odeur de vices.
O vieux pots égueulés des soifs qu'on ne dit pas !
Le pluriel met une S à leurs meâs culpâs,
Les boucs mystérieux, en les voyant, s'indignent,
Et, quand on dit: "Amour !" terre et cieux! ils se signent.
Leur vieux viscère mort insulte au coeur naissant.
Ils le prennent de haut avec l'adolescent,
Et ne tolèrent pas le jour entrant dans l'âme
Sous la forme pensée ou sous la forme femme.
Quand la muse apparaît, ces hurleurs de holà
Disent: "Qu'est-ce que c'est que cette folle-là ?"
Et, devant ses beautés, de ses rayons accrues,
Ils reprennent: "Couleurs dures, nuances crues ;
Vapeurs, illusions, rêves; et quel travers
Avez-vous de fourrer l'arc-en-ciel dans vos vers ?"
Ils raillent les enfants, ils raillent les poètes ;
Ils font aux rossignols leurs gros yeux de chouettes ;
L'enfant est l'ignorant, ils sont l'ignorantin ;
Ils raturent l'esprit, la splendeur, le matin ;
Ils sarclent l'idéal ainsi qu'un barbarisme,
Et ces culs de bouteille ont le dédain du prisme !
Ainsi l'on m'entendait dans ma geôle crier.
Le monologue avait le temps de varier.
Et je m'exaspérais, faisant la faute énorme,
Ayant raison au fond, d'avoir tort dans la forme.
Après l'abbé Tuet, je maudissais Bezout ;
Car, outre les pensums où l'esprit se dissout,
J'étais alors en proie à la mathématique.
Temps sombre! enfant ému du frisson poétique,
Pauvre oiseau qui heurtais du crâne mes barreaux,
On me livrait tout vif aux chiffres, noirs bourreaux ;
On me faisait de force ingurgiter l'algèbre ;
On me liait au fond d'un Boisbertrand funèbre ;
On me tordait, depuis les ailes jusqu'au bec,
Sur l'affreux chevalet des X et des Y;
Hélas! on me fourrait sous les os maxillaires
Le théorème orné de tous ses corollaires ;
Et je me débattais, lugubre patient
Du diviseur prêtant main-forte au quotient.
De là mes cris.
     Un jour, quand l'homme sera sage,
Lorsqu'on n'instruira plus les oiseaux par la cage,
Quand les sociétés difformes sentiront
Dans l'enfant mieux compris se redresser leur front,
Que, des libres essors ayant sondé les règles,
On connaîtra la loi de croissance des aigles,
Et que le plein midi rayonnera pour tous,
Savoir étant sublime, apprendre sera doux.
Alors, tout en laissant au sommet des études
Les grands livres latins et grecs, ces solitudes
Où l'éclair gronde, où luit la mer, où l'astre rit,
Et qu'emplissent les vents immenses de l'esprit,
C'est en les pénétrant d'explication tendre,
En les faisant aimer, qu'on les fera comprendre.
Homère emportera dans son vaste reflux
L'écolier ébloui; l'enfant ne sera plus
Une bête de somme attelée à Virgile ;
Et l'on ne verra plus ce vif esprit agile
Devenir, sous le fouet d'un cuistre ou d'un abbé,
Le lourd cheval poussif du pensum embourbé.
Chaque village aura, dans un temple rustique,
Dans la lumière, au lieu du magister antique,
Trop noir pour que jamais le jour y pénétrât,
L'instituteur lucide et grave, magistrat
Du progrès, médecin de l'ignorance, et prêtre
De l'idée; et dans l'ombre on verra disparaître
L'éternel écolier et l'éternel pédant.
L'aube vient en chantant, et non pas en grondant.
Nos fils riront de nous dans cette blanche sphère ;
Ils se demanderont ce que nous pouvions faire
Enseigner au moineau par le hibou hagard.
Alors, le jeune esprit et le jeune regard
Se lèveront avec une clarté sereine
Vers la science auguste, aimable et souveraine ;
Alors, plus de grimoire obscur, fade, étouffant;
Le maître, doux apôtre incliné sur l'enfant,
Fera, lui versant Dieu, l'azur et l'harmonie,
Boire la petite âme à la coupe infinie.
Alors, tout sera vrai, lois, dogmes, droits, devoirs.
Tu laisseras passer dans tes jambages noirs
Une pure lueur, de jour en jour moins sombre,
O nature, alphabet des grandes lettres d'ombre !
 
Paris, mai 1831.

À LYDIE

ODE
 
Lydia, dic, per omnes, etc.
(HOR., lib. I, ode viii)

 
Au nom des Dieux dont tu te ris,
Lydie, en ta folle tendresse,
Veux-tu donc perdre Sybaris ?
Dans l'amour dont il est épris
Va-t-il consumer sa jeunesse ?
Pourquoi n'a-t-il que du mépris
Pour Mars, pour sa noble poussière ?
Pourquoi, dans l'arène guerrière,
Surpassant ses rivaux surpris,
Ne franchit-il pas la carrière,
Fier de ses coursiers aguerris ?
Depuis que son cœur n'est plus libre,
Pourquoi craint-il l'onde du Tibre ?
Pourquoi, sur ses membres flétris,
N'ose-t-il pas verser l'olive ?
Pourquoi ta tendresse craintive
Amollit-elle ses esprits ?
Pourquoi, sous l'armure falisque,
Ses bras ne sont-ils pas meurtris ?
Pourquoi de la flèche et du disque
N'a-t-il pas mérité le prix ?
Jadis, à la douleur en proie,
Thétis, à la cour de Scyros,
Loin des fatales tours de Troie,
Élevait un naissant héros,
Qui, jusqu'au pied de leurs murailles,
Sur les Troyens anéantis
Devait semer les funérailles
Es-tu donc une autre Thétis ?
 
( 1820)

Extraits divers

Le Rhin, Lettres à un ami
 
Lettre iv.
 
(...)
 
Horace lui-même, ce philosophe pratique, ce Voltaire du siècle d'Auguste, plus grand poëte, il est vrai, que le Voltaire du siècle de Louis XV, Horace frissonnait en regardant les étoiles, une étrange anxiété lui remplissait le coeur, et il écrivait ces vers presque terribles :
 
hunc solem, et stellas, et decedentia certis
tempora momentis, sunt qui formidine nulla
imbuti spectant !

 
(...)
 

 
Chansons des rues et des bois
 
(...)
 
Rien n' est bas quand l'âme est en haut.
Un hoquet à Silène échappe
parmi les roses de Paestum.
Quand Horace étale Priape,
Shakespeare peut risquer Bottom.
La vérité n' a pas de bornes.
Grâce au grand Pan, dieu bestial,
fils, le réel montre ses cornes
sur le front bleu de l' idéal.
 
5 octobre 1859. (L 1 COMPL. IDEAL 2 REALITE)
 

 
Les quatre vents de l’esprit
 
LE LIVRE SATIRIQUE , LE SIECLE , XXIX
 
(...)
 
j' admire un arbre en fleurs plus qu' un bûcher en flamme ;
je suis peu furieux ; j' aime Voltaire enfin
mieux que saint Cupertin et que saint Cucufin,
et je préfère à tout ce que dit saint Pancrace,
saint Loup, saint Labre ou saint Pacôme, un vers d' Horace.
 
(...)
 
LE LIVRE SATIRIQUE , LE SIECLE , XXXI
 
(...)
 
Le viel esprit de nuit, d' ignorance et de haine
des clous de Jésus-Christ forge à l' homme une chaîne,
change l' enfant candide et pur en nain vieillot,
lie au bûcher Jean Huss et Morus au billot,
frappe de sa férule Horace, et, si Voltaire
et Rousseau font du bruit en classe, il les fait taire.
Il donne sur les doigts au bon Dieu stupéfait.
Il refroidit les fronts que l' aube réchauffait,
il insulte le ciel dans la femme, et le nie
dans l' astre, dans la fleur, dans l' art, dans le génie
 
(...)
 

 
Correspondance
 
1860
 
à George Sand.
 
Hauteville-house, 11 février.
 
(...)
 
Vous avez raison de m'aimer un peu. Je suis une tête fière, mais bonne, faite pour le rocher, de là mon exil, et pour l'amour, de là le reste de ma vie. L'admiration, vous le savez, madame, est une sorte d' amour, et c'est cet amour-là que je sens pour vous, comme je le sens pour Virgile, pour Dante, pour Horace, et pour quiconque est philosophe. Ma solitude aime la vôtre, mon âpreté aime votre douceur, et il y a dans les belles choses que vous écrivez un rayonnement qui me convient.
 
(...)
 

 
Odes - Livre cinquième - Ode XI
 
PAYSAGE
 
Hoc erat in votis !
HORACE

 
Lorsque j'étais enfant : «Viens, me disait la Muse,
Viens voir le beau génie assis sur mon autel !
Il n'est dans mes trésors rien que je te refuse,
Soit que l'altier clairon ou l'humble cornemuse
Attendent ton souffle immortel.
 
»Mais fuis d'un monde étroit l'impure turbulence ;
Là, rampent les ingrats, là, règnent les méchants.
Sur un luth inspiré lorsqu'une âme s'élance,
Il faut que, l'écoutant dans un chaste silence,
L'écho lui rende tous ses chants !
 
»Choisis quelque désert pour y cacher ta vie.
Dans une ombre sacrée emporte ton flambeau.
Heureux qui, loin des pas d'une foule asservie,
Dérobant ses concerts aux clameurs de l'envie,
Lègue sa gloire à son tombeau !
 
»L'horizon de ton âme est plus haut que la terre.
Mais cherche à ta pensée un monde harmonieux,
Où tout, en l'exaltant, charme ton cœur austère,
Où des saintes clartés, que nulle ombre n'altère,
Le doux reflet suive tes yeux.
 
»Qu'il soit un frais vallon, ton paisible royaume,
Où, parmi l'églantier, le saule et le glaïeul,
Tu penses voir parfois, errant comme un fantôme,
Ces magiques palais qui naissent sous le chaume,
Dans les beaux contes de l'aïeul.
 
»Qu'une tour en ruine au flanc de la montagne
Pende, et jette son ombre aux flots d'un lac d'azur.
Le soir, qu'un feu de pâtre, au fond de la campagne,
Comme un ami dont l’œil de loin nous accompagne,
Perce le crépuscule obscur.
 
»Quand, guidant sur le lac deux rames vagabondes,
Le ciel, dans ce miroir, t'offrira ses tableaux,
Qu'une molle nuée, en déroulant ses ondes,
Montre à tes yeux, baissés sur les vagues profondes,
Des flots se jouant dans les flots.
 
»Que, visitant parfois une île solitaire
Et des bords ombragés de feuillages mouvants,
Tu puisses, savourant ton exil volontaire,
En silence épier s'il est quelque mystère
Dans le bruit des eaux et des vents.
 
»Qu'à ton réveil joyeux, les chants des jeunes mères
T'annoncent et l'enfance, et la vie, et le jour.
Qu'un ruisseau passe auprès de tes fleurs éphémères,
Comme entre les doux soins et les tendres chimères
Passent l'espérance et l'amour.
 
»Qu'il soit dans la contrée un souvenir fidèle
De quelque bon seigneur, de hauteur dépourvu,
Ami de l'indigence et toujours aimé d'elle ;
Et que chaque vieillard le citant pour modèle,
Dise : Vous ne l'avez pas vu !
 
»Loin du monde surtout mon culte te réclame.
Sois le prophète ardent, qui vit le ciel ouvert,
Dont l'œil, au sein des nuits, brillait comme une flamme,
Et qui, de l'esprit saint ayant rempli son âme,
Allait, parlant dans le désert !»
 
Tu le disais, ô Muse ! Et la cité bruyante
Autour de moi pourtant mêle ses mille voix,
Muse ! et je ne fuis pas la sphère tournoyante
Où le sort, agitant la foule imprévoyante,
Meut tant de destins à la fois !
 
C'est que, pour m'amener au terme où tout aspire,
Il m'est venu du ciel un guide au front joyeux ;
Pour moi, l'air le plus pur est l'air qu'elle respire ;
Je vois tous mes bonheurs, Muse, dans son sourire,
Et tous mes rêves dans ses yeux !
 
1823.

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