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Œuvres lyriques d'Horace, traduites par Pierre Daru (1796)

CHANT SÉCULAIRE

 
ProloguePremière partieSeconde partieTroisième partieÉpilogueNOTES

 

— PROLOGUE —

LE PONTIFE

Profanes, loin d'ici : venez, tendre jeunesse.
Le pontife du Dieu des vers
Va faire entendre, en ce jour d'allégresse,
Des accents inconnus encore à l'univers.
Que le peuple en silence écoute nos concerts.

— PREMIÈRE PARTIE —

LES DEUX CHŒURS

O Dieu puissant du Pinde, immortel Apollon
Qui perças de tes traits le coupable Titye,
Tu sus de Niobé punir l'orgueil impie
Et ce héros qui fit chanceler Ilion.
 
Vainement il était du sang d'une Déesse ;
Sa lance formidable ébranlait les remparts :
Le plus vaillant des Grecs, le favori de Mars,
Dès qu'il t'osa braver, reconnut sa faiblesse.
 
Tel qu'un vieux pin noueux sous la hache abattu,
Ou semblable au cyprès courbé par les orages,
De son immense corps il couvrit ces rivages,
Et dans les champs Troyens il expira vaincu.
 
Par un lâche artifice il n'eût point conquis Troie ;
Il n'eût point à Pallas fait un don mensonger,
Et pour vaincre Priam et son peuple léger
N'eût point mis à profit leur imprudente joie :
 
Une torche à la main, à la clarté du ciel,
Hélas ! il eût livré Pergame entière aux flammes ;
Il aurait égorgé les enfants et les femmes,
Ceux même encor cachés dans le sein maternel.
 
Mais le père des Dieux, vaincu par tes prières,
Touché par les soupirs de la mère des Jeux,
Permit qu'Énée allât, sous un auspice heureux,
Relever les autels et les murs de ses pères.
 
Toi, qui dans le Sirbès laves tes blonds cheveux,
Qui règles des neuf Sœurs la divine harmonie,
Accorde quelque gloire aux Muses d'Ausonie :
Jeune et bel Apollon, sois propice à nos vœux.

— SECONDE PARTIE —

CHŒUR DE JEUNES GARÇONS

Chantez Diane, ô charmantes Romaines,

CHŒUR DE JEUNES FILLES

Chantez, jeunes Romains, Phœbus aux longs cheveux,

LES DEUX CHŒURS

Et Latone si chère au souverain des Dieux.

CHŒUR DE JEUNES GARÇONS

Chantez Diane : elle aime les fontaines
Et du noir Apennin les épaisses forêts,
La fraîcheur de l'Algide et les jeunes bosquets.

CHŒUR DE JEUNES FILLES

Vous, célébrez Tempé, cette plaine charmante,
Et Délos, ce rivage où Phœbus vit le jour ;
Ce carquois d'or, parure éblouissante,
Et cette lyre si puissante,
Gage chéri d'un fraternel amour.

CHŒUR DE JEUNES GARÇONS

Il chassera la faim livide.

CHŒUR DE JEUNES FILLES

Il chassera la peste et la guerre homicide.

LES DEUX CHŒURS

De César et de nous détournant ces fléaux,
Touché par vos accents, sur l'odieux Numide
Il fera retomber ces maux.

— TROISIÈME PARTIE —

LES DEUX CHŒURS

O blond Phœbus, et vous, Divinité des bois,
Radieux ornement de la voûte azurée,
O famille adorable et toujours adorée,
Dans ce jour solennel écoutez notre voix.
 
Obéissant aux vers des Sibylles divines,
Les jeunes vierges de ces lieux
Et les jeunes Romains vont célébrer les Dieux
Qui protègent les sept collines.

CHŒUR DE JEUNES GARÇONS

Soleil, dont le char éclatant
Dispense et ravit la lumière,
Tu renais tous les jours, tous les jours différent,
Mais avec ta clarté première.
O protecteur de Rome, en ta vaste carrière
Puisse ton œil ne rien voir d'aussi grand.

CHŒUR DE JEUNES FILLES

Et vous, chaste Lucine, ou propice Ilithye,
Secourez la jeune beauté
Dont le sein va donner la vie
Au fruit de son amour, qu'elle a longtemps porté.
Déesse, de l'hymen soyez la protectrice,
Maintenez le décret propice
Aux vierges qui forment ses nœuds :
Puisse Rome sous votre auspice
Voir bientôt dans son sein naître un peuple nombreux !
Que, ramenant ces fêtes immortelles,
Chaque siècle à son tour puisse voir nos neveux,
Célébrer par des chants, honorer par des jeux,
Ces trois jours, ces nuits solennelles.

LES DEUX CHŒURS

Et vous dont les discours fidèles
Sont toujours les arrêts des sévères destins,
O Parques, prolongez le bonheur des Romains.
 
Que la terre aux troupeaux offre des prés humides !
Puissent du laboureur les champs combler les vœux,
Cérès d'épis dorés couronner ses cheveux,
Et les brebis timides
Respirer un air pur, boire des eaux limpides !

CHŒUR DE JEUNES GARÇONS

Dépose ton carquois et ton arc redouté,
Phœbus, daigne sur nous jeter un œil de père.

CHŒUR DE JEUNES FILLES

Et vous, reine des cieux, au croissant argenté,
Des filles des Romains écoutez la prière.

LES DEUX CHŒURS

Si Rome est votre ouvrage, et si les Phrygiens,
Conduits par votre oracle aux champs de l'Étrurie,
Portèrent sur ces bords leurs Dieux et leur patrie ;
Si le pieux Énée au reste des Troyens
Sut frayer une route au milieu de la flamme,
Et fonder un état plus puissant que Pergame :
Dieux protecteurs ! donnez des mœurs et des vertus
A notre docile jeunesse ;
Accordez le repos à la froide vieillesse,
Le bonheur et la gloire aux fils de Romulus.
 
Le sang en votre honneur dans les temples ruisselle.
Que le fils glorieux d'Anchise et de Vénus
Soumette l'ennemi rebelle,
Et montre sa clémence aux ennemis vaincus.
Les Mèdes, effrayés par nos haches sanglantes,
Redoutent ce vainqueur de la terre et des flots.
 
Les nations de l'Inde, autrefois insolentes,
Attendent en tremblant l'ordre de ce héros.
La vertu méconnue, et l'austère décence,
La paix, la probité, chères à nos aïeux,
Osant reparaître en ces lieux,
Ramènent l'heureuse abondance.

CHŒUR DE JEUNES GARÇONS

Si le Dieu chéri des neuf Sœurs,
Si l'aimable Dieu des présages,
Que pare un carquois d'or rempli de traits vengeurs,
Et dont l'art salutaire apaise nos douleurs,
Encore avec bonté regarde ces rivages,
Qu'il accroisse toujours le bonheur des Romains
Et porte jusqu'aux cieux leurs glorieux destins.

CHŒUR DE JEUNES FILLES

Que la Déesse de l'Algide,
Que Diane écoute les vœux
De ce pontife qui préside
A la solennité de ces aimables jeux.
Aux enfants des Romains, Déesse redoutable,
Prête une oreille favorable.

LES DEUX CHŒURS

Jupiter nous protège ; oui, si j'en crois mon cœur,
Nos vœux des immortels obtiennent la clémence :
Nous venons de chanter et Phœbus et sa sœur,
Au sein de nos foyers remportons l'espérance.

— ÉPILOGUE —

LE PONTIFE

Phœbus, le Dieu du Pinde, inspira mon génie ;
Il m'apprit à parler le langage des Dieux.
Venez et secondez mes chants religieux,
Enfants du plus beau sang qu'honore l'Ausonie.
 
Et vous, vous que chérit la reine de Délos,
Qui voit le daim tomber sous le trait qu'elle lance,
Jeunes vierges, chantez ; observez la cadence
De ces vers qu'inventa la Muse de Lesbos.
 
Chantez d'un cœur pieux le beau fils de Latone ;
Chantez avec respect la Déesse des bois,
Qui protège nos champs, qui ramène les mois,
Et qui pendant les nuits de rayons se couronne.
 
Un jour, du chaste hymen ayant subi les lois,
Vous direz : Je chantai dans les jeux séculaires
Un hymne solennel, qui plut aux Dieux prospères ;
Et la lyre d'Horace accompagnait ma voix.

— NOTES —

Note de Pierre Daru:

"Dacier et Sanadon, ayant vu le rapport qui existe entre le poème séculaire proprement dit et les odes 21 du livre premier et 6 du livre quatre, ont pensé que ces trois pièces avaient été composées dans la même circonstance.
J'ai suivi, pour la distribution de ce poème, le système du père Sanadon, qui, s'il n'est pas le plus certain, m'a du moins paru le plus ingénieux."

Composition:

Prologue:
Les quatre premiers vers de l'Ode 1 du livre III (traduction différente).
 
Première partie:
Le début (vers 1 à 28) de l'Ode 6 du livre IV.
 
Seconde partie:
L'Ode 21 du livre I.
 
Troisième partie:
le Chant Séculaire proprement dit.
 
Épilogue:
La fin (vers 29 à 44) de l'Ode 6 du livre IV.

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